La Marine Nationale lance aujourd'hui sa marque de mode et d'accessoires. Cabans, marinières, sacs de voile, montres, parapluies... C'est un vestiaire marin chic et sobre pour hommes et femmes qui a pour but de familiariser tout un chacun avec l'action de ce corps de l'Armée. Le but derrière cette création "c'est [que la MArine Nationale] soit mieux connue des Français qu'elle sert tous les jours, partout dans le monde", explique son chef d'état-major, l'amiral Pierre Vandier.
Pour mener à bien ce projet ambitieux (dont les bénéfices seront versés à des œuvres sociales liées à la Marine et serviront à améliorer le quotidien des marins en opérations) la Marine Nationale s'entoure de partenaires spécialisés et majoritairement Made in France : l'incontournable Saint-James produit marinières, pulls et cabans. Pour les sacs en voile recyclées, le fabricant lorientais 727 Sailbags. Quant aux montres, c'est Yema qui crée des modèles exclusifs.
Ce lancement est l'occasion de revenir sur le vestiaire marin au cinéma à travers les époques.
Jusqu'aux années 60 : L'esprit marin reste au port
Pas beaucoup de fantaisie jusqu'aux années 60! les marinières, casquettes et autres bâchis restent au port.
John Wayne dans Adventure's End (1937) - les costumes ne sont pas crédités. Crédits photo Michael Ochs Archives/GETTY IMAGES
Josephine Backer et Jean Gabin dans le film Zouzou (1934). Les costumes sont signés Pascaud et Zanel. Crédits photos : Walter LIMOT / PHOTO12/AFP
Kirk DOUGLAS dans 20.000 lieues sous les mers (1957) - Costumes de Valles. Crédits photo : Walt Disney
Les années 60 : la Nouvelle Vague.
Un air marin souffle jusque dans les villes avec l'arrivée de la Nouvelle Vague. Un détail notable de cette période : les budgets étaient parfois trop maigres pour intégrer les achats de costumes donc, les comédiens composaient avec leur propre garde-robe ou avec les moyens du bord. Cependant, le chef-décorateur supervisait les costumes pour garantir une belle unité. Le résultat, ce sont des films ultra créatifs et cependant jouant la carte du naturel à l'image de la décennie. Les dignes représentants de ce mouvement ont souvent fait appel au vestiaire marin.
En tête de liste : Jean-Luc Godard qui, dès 1960, amène la marinière dans Paris par l'intermédiaire du personnage de Patricia (Jean Seberg) dans A bout de souffle. Ce film d'ailleurs fait la part belle aux rayures. il réedite cette intrusion dans Le Mépris en l'apposant à une Brigitte Bardot au sommet de sa beauté. Enfin, dans Pierrot le fou (1965), il enfonce le clou du vestiaire marin dans une toute ambiance maritime.
Jean Seberg portant une marinière et Jean-Paul Belmondo dans le film A bout de souffle (1963). Crédit photos : Rialto Pictures/StudioCanal
Brigitte Bardot dans Le Mépris (1963) de Jean Juc Godard - Chef costumière : Tanine Autré. Crédits photo Marceau-Cocinor/Les Films Concordia/ Georges de Beauregard/ Carlo Ponti
Pierrot le fou (1965) de Jean-Luc Godard - Pas de costumier.e crédité au générique. Crédits photo : FILMS Georges de Beauregard / Rome Paris Films / Société Nouvelle de Cinématographie (SNC) / Georges Pierre
Autre réalisateur, autre marinière culte du cinéma : celle de Catherine (Jeanne Moreau) dans Jules et Jim 1962). Sur ce film-ci, comme on le verra pour les films de Jacques Demy, c'est le chef-décorateur qui supervisait les costumes. Cependant, de son propre aveu, Jeanne Moreau a beaucoup utilisé ses propres vêtements pour la partie contemporaine du film.
Jeanne Moreau, Oskar Werner et Henri Serre dans le film Jules et Jim de François Truffaut (Chef-costumier : Fred Capel qui n'est crédité qu'aux décors).
FOCUS : Les parapluies de cherbourg de Jacques Demy (1965)
Geneviève (Catherine Deneuve) dans Les parapluies de Cherbourg - Chef-costumière Jacqueline Moreau. Crédits photo : Copyright Ciné Tamaris
Les parapluies de Cherbourg, Palme d'Or à Cannes en 1964 et Prix Delluc en 1963, succès critique et commercial même à l'international est une grande caisse de résonnance en terme de notoriété pour la ville de Cherbourg. Une image extrèmement forte certes mais du fait du titre, extrèmement pluvieuse.
Vingt-trois ans après cette oeuvre, Jean-Pierre Yvon, photographe à Paris et à travers le monde, rentre au port et redore le blason de sa ville. En 1986, il dépose la marque « Le Véritable Cherbourg ». Fabriqué à la main avec un savoir-faire français, le Véritable Cherbourg est testé en soufflerie afin de valider sa résistance tout en préservant sa beauté. Sous l'impulsion de son fils Charles qui reprend les rênes de la manufacture, le Véritable Cherbourg devient en 2020 : Le Parapluie de Cherbourg. C'est cette maison qu'a choisie la Marine Nationale pour s'associer sur la fabrication d'un parapluie résistant à des vents jusqu'à 155 km/h. Il s'appelle Le Redoutable du nom du fameux sous-marin mais aussi servit aussi de titre au biopic de Michel Hazanavicius sur Jean-Luc Godard (2017).
L'ambiance du Port des Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy (1963). Crédits photo : Copyright Ciné Tamaris
Les demoiselles (et les marins) de Rochefort de Jacques Demy (1967)
Trois ans plus tard, Jacques Demy explore la ville de l'Arsenal maritime de Rochefort en mettant en scène Les Demoiselles de Rochefort avec dans les rôles principaux Catherine Deneuve et sa regrettée soeur Françoise D'Orléac. Le marin prend du galon dans ce film avec le personnage de Maxence (Jacques Perrin), un beau jeune homme romantique installé à Rochefort pour faire son service militaire et qui traine son sac de toile partout dans la ville lorsqu'il ne raconte pas ses aventures en mer.
Jacques Perrin et Gene Kelly dans Les Demoiselles de Rochefort (1967) - Chef-costumière : Jacqueline Moreau
Les années 70 outre Atlantique
Après avoir été porté par la comète James Dean, le caban est passé comme définitivement culte et entré dans le vestiaire masculin après que Robert Redford l'a porté dans le film Les trois jours du condor avec son "cool" et sa silhouette de mannequin.
Joseph Turner (Robert Redford) dans Les Trois jours du condor - Chef-costumier : Joseph G. Aulisi
Liz Taylor, que l'on connait plus coutumière des robes de soirées et surtout des diamants a elle aussi succombé au style marin
Elizabeth Taylor dans The only gamein town (Las Vegas un couple) -1970 Costumes de Liz : chef-costumière Vicki Tiel
Les années 80, les rebelles et la culture pop
Les années 80 achèvent de rendre complètement cultes et ancrées dans le quotidien le vestiaire marin et en particulier la marinière. Elle va jusqu'à se "taper l'affiche" avec notre Charlotte nationale qui, avec son premier rôle (dans les deux sens du terme), décroche le plus joli des Césars, celui du meilleur espoir féminin pour l'Effrontée de Claude Miller, lui encore issu du mouvement de la nouvelle vague.
Charlotte Gainsbourg sur l'affiche du film L'effrontée de CLaude Miller (1985) - Chef-costumière : Jacqueline Bouchard
Après l'éffrontée, une comédienne rebelle : Béatrice Dalle. Elle passa les essais pour le film 37,2° le matin en marinière s'il vous plait.
Béatrice Dalle face à la camera devant celui qui deviendra son agent Dominique Besnehard
Avant sa rencontre avec le pape de la marinière (aka Jean-Paul Gaultier) et qu'il lui confectionne ses seins coniques, la Madonne s'adonne au style marinière pour les besoins du premier clip extrait de son album True Blue (1986). Avec son cuir, son 501, son style n'a rien à envier à celui des filles d'aujourd'hui.OK ce n'est pas du cinéma mais à cette époque les clips étaient "traités" comme des courts-métrages.
Madonna dans le clip Papa Don't preach (1986)
Des années 90 à nos jours
Le style marin,désormais bien intégré dans les gardes-robes, n'en finit plus de se montrer au cinéma. En 1990 (photo ci-dessous), c'est Eric Rohmer (Nouvelle Vague) qui met à l'honneur la marinière assortie à un bandeau rayé qui sonne comme un hommage à Brigitte Bardot dans Le Mépris.
Eloïse Bennett dans le film Conte de printemps d'Eric Rohmer (1989) Pas de chef-costumier.e crédité
Plus proche de nous, en 2009, impossible e passer à côté de la frêle silhouette d'Audrey Tautou dans le rôle de Gabrielle Chanel devant la caméra d'Anne Fontaine (Coco avant Chanel). Chanel a une place à part puisque dès les années 20, elle réinterprétait le vestiaire marin pour ses boutiques balnéaires (on appelle ça une "collection croisière" aujourd'hui) notamment celle de Deauville. Pas étonnant de la part de la créatrice qui a libéré le corps de la femme.
Audrey Tautou est Gabrielle Chanel dans Coco avant Chanel (2009) - chef-costumière : Catherine Leterrier. Copyright : Warner Bros. France
Même Laetitia Casta est convertie! Pour le film Le Grand appartement de Pascal Thomas, on retrouve une Laetitia Casta loin de ses plages corses mais revêtant le caban d'utilité public en Bretagne.
Laetitia Casta et Mathieu Amalric dans le film Le Grand appartement de Pascal Thomas (2006) Chef-costumière : Maud Molyneux. Copyright Mars Distribution / Hassen Brahiti
Last but not least, le chef de fil du mouvement que l'on appelle la Nouvelle nouvelle vague : Christophe Honoré nous offre la mise en avant d'un caban dans son film Les bien-aimés. Dans ce long-métrage musical, comme chez Jacques Demy, dont l'action se situe dans les années 60 puis dans les années 2000, Catherine Deneuve (tiens, tiens) donne le change à sa fille Véra (Chiara Mastroianni) en chantant. Difficile de ne pas voir un clin d'oeil à l'oeuvre de JAcques Demy. "Une fille légère" chanson signée Alex Beaupain pour la BO des Bien-aimés :
Vera (Chiara Mastroianni) dans Les Bien-aimés de Christophe Honoré (2011) - Chef-costumière : Pascaline Chavanne. Copyright Senator Filmverleih
Enfin, s'il manquait une preuve que l'année 2021 est celle du style marin, sachez que le Chanteur Etienne Daho a fait don au Palais Galliera (Musée de la mode de Paris) de la marinière qu'il portait sur la pochette de son album culte (shootée par Pierre & Gilles) : La Notte, La notte (1984). Elle y cotoiera les plus grandes pièces de la haute-couture et de l'histoire.
Etienne Daho : Pochette de son album La Notte,la notte. Photo : Pierre et Gilles
Avant de vous quitter, un dernier conseil : les boutons du pull marin ont le bonheur de sculpter les épaules donc choisissez-le bien à votre taille sous peine de ressembler à ça :
Louis de Funès dans Les grandes Vacances de Jean Girault (1967) - costumes de Jacques Cottin et Marc Doelnitz
Les points de vente de la marque Marine Nationale sont leur Site internet avant d’être disponibles dans des boutiques au Musée national de la Marine, à Paris, à l’Hôtel de la Marine et sur les ports de Toulon et Brest, ainsi que dans des points de vente éphémères lors d’événements auxquels elle participe (14-Juillet, course du Vendée Globe, départ cette année du Tour de France depuis Brest..)